Mieux vaut tard que jamais : je vous propose de découvrir le texte de Dominique Braun, gagnant du concours organisé lors de l’exposition de la Plume Colmarienne il y a un peu plus d’un mois. Pour rappel, le thème était une citation de Cyrano de Bergerac :
« Eh bien ! Oui, c’est mon vice.
Déplaire est mon plaisir.
J’aime qu’on me haïsse. »
Félicitations à Dominique pour son texte drôle et inspiré, et merci à tous les participants… le choix a été rude !
Profession de foi de Monsieur Yann-Amar Défossan-Blanc
Candidat du PRV
Mes pas chers compatriotes,
C’est bien connu. Et répété mille fois avec quelques variantes : la France est un beau pays, riche en vertus et en talents, mais gouverné par une classe politique qui ne lui fait pas honneur.
D’abord –et c’est, de votre part, un reproche aussi vieux que notre démocratie- les candidats promettent et les élus oublient les promesses (en supposant qu’ils aient vraiment eu un jour l’intention de les tenir). Ce qui conduit le bon peuple, nous expliquent les connaisseurs de la chose publique, à réagir par l’ironie, l’abstention ou l’extrémisme.
Franchement, avec des électeurs tels que vous, mes pas chers compatriotes, qui voulez le beurre, l’argent du beurre et les faveurs de la crémière, croyez-vous qu’un candidat aurait la moindre chance d’être élu s’il ne recouvrait pas soigneusement la pilule de métal précieux ? Accorderiez-vous votre suffrage à celui qui déclarerait : « – La situation est difficile, très difficile… Je vais voir ce que je peux faire. » ? Vous ne soupçonnez pas le mal de chien qu’il faut se donner pour gagner 50 % des voix plus une ! Essayez donc une fois, pour voir (et si vous y parvenez, vous verrez s’il est facile d’assurer la suite).
-Mais, direz-vous, ils sont fraudeurs, corrompus, ou les deux à la fois !
Prenez le temps, mes pas chers compatriotes, d’un petit examen de conscience. Quel Français n’a jamais travaillé (ou fait travailler) au noir ? Jamais « oublié » quelques rentrées d’argent dans sa déclaration de revenus ? Jamais établi ou utilisé des factures de complaisance ? (Je renonce à répertorier les arnaques en tous genres qui prouvent que, dans ce domaine, on a en France l’imagination fertile et le scrupule asthénique). Et ne me citez pas triomphalement le chiffre de 97 % de Français qui ne vont pas placer des millions dans des paradis fiscaux ! S’ils ne le font pas, c’est qu’ils ne les ont pas, ces millions.
Quant à la corruption, combien de nos concitoyens qui clament que « les élus de la République doivent être exemplaires » seraient prêts, en cas de besoin, à demander à leur député d’obtenir un petit passe-droit pour leur épouse ou leur rejeton (en joignant éventuellement à leur demande quelques billets « pour huiler les rouages »)? Il faut bien que le parlementaire montre de temps en temps sa paternelle sollicitude pour les habitants de sa circonscription, et cela ne tire pas à conséquence …
Es-tu sûr de valoir mieux que ces représentants que tu vilipendes, hypocrite électeur, mon semblable, mon frère ?
Ayant cédé, dans un moment d’égarement, aux voix insistantes qui me priaient de mettre mes (éminentes) qualités au service du pays en présentant ma candidature et mon casier judiciaire vierge aux électeurs, mais revenu depuis lors à plus de lucidité, j’en viens à considérer que, pour moi, la pire issue de ce scrutin, serait que me revienne la mission de gouverner un peuple aussi inconséquent, versatile, contradictoire, désordonné, j’m’enfoutiste, médisant, râleur, vétillard, querelleur, mesquin, envieux, faux-cul, mal embouché, prétentieux, bêtement cocardier, routinier, borné, ingrat…
Plutôt choisir le supplice de Sisyphe ou celui des Danaïdes !
Veuillez agréer, mes pas chers compatriotes, l’expression de mon inexistante considération,
Yann-Amar Défossan-Blanc,
Candidat du Parti de la Rude Vérité (PRV)