Le 18e siècle à l’honneur

Samedi dernier, le 30 septembre, nous avons eu le plaisir d’entendre une fois encore des textes très inspirés lors de l’atelier de la Plume Colmarienne. Les participants ont su dompter le style de La Bruyère, Madame de la Fayette et Choderlos de Laclos pour le mettre au goût du jour : je vous laisse découvrir trois très beaux textes écrits pour l’occasion. Bravo !

Résultat du concours de La Plume Colmarienne

Mieux vaut tard que jamais : je vous propose de découvrir le texte de Dominique Braun, gagnant du concours organisé lors de l’exposition de la Plume Colmarienne il y a un peu plus d’un mois. Pour rappel, le thème était une citation de Cyrano de Bergerac :

« Eh bien ! Oui, c’est mon vice.
Déplaire est mon plaisir.
J’aime qu’on me haïsse. »

Félicitations à Dominique pour son texte drôle et inspiré, et merci à tous les participants… le choix a été rude !

 

Profession de foi de Monsieur Yann-Amar Défossan-Blanc
Candidat du PRV

Mes pas chers compatriotes,

C’est bien connu. Et répété mille fois avec quelques variantes : la France est un beau pays, riche en vertus et en talents, mais gouverné par une classe politique qui ne lui fait pas honneur.

D’abord –et c’est, de votre part,  un reproche aussi vieux que notre démocratie- les candidats promettent et les élus oublient les promesses (en supposant qu’ils aient vraiment eu un jour l’intention de les tenir). Ce qui conduit le bon peuple, nous expliquent les connaisseurs de la chose publique, à réagir par l’ironie, l’abstention ou l’extrémisme.

Franchement, avec des électeurs tels que vous, mes pas chers compatriotes, qui voulez le beurre, l’argent du beurre et les faveurs de la crémière, croyez-vous qu’un candidat aurait la moindre chance d’être élu s’il ne recouvrait pas soigneusement la pilule de métal précieux ? Accorderiez-vous votre suffrage à celui qui déclarerait : « – La situation est difficile, très difficile… Je vais voir ce que je peux faire. » ? Vous ne soupçonnez pas le mal de chien qu’il faut se donner pour gagner 50 % des voix plus une ! Essayez donc une fois, pour voir (et si vous y parvenez, vous verrez s’il est facile d’assurer la suite).

-Mais, direz-vous, ils sont fraudeurs, corrompus, ou les deux à la fois !

Prenez le temps, mes pas chers compatriotes, d’un petit examen de conscience. Quel Français n’a jamais travaillé (ou fait travailler) au noir ? Jamais « oublié » quelques rentrées d’argent dans sa déclaration de revenus ? Jamais établi ou utilisé des factures de complaisance ? (Je renonce à répertorier les arnaques en tous genres qui prouvent que, dans ce domaine, on a en France l’imagination fertile et le scrupule asthénique). Et ne me citez pas triomphalement le chiffre de 97 % de Français qui ne vont pas placer des millions dans des paradis fiscaux ! S’ils ne le font pas, c’est qu’ils ne les ont pas, ces millions.

Quant à la corruption, combien de nos concitoyens qui clament que « les élus de la République doivent être exemplaires » seraient prêts, en cas de besoin, à demander à leur député d’obtenir un petit passe-droit pour leur épouse ou leur rejeton (en joignant éventuellement à leur demande quelques billets « pour huiler les rouages »)? Il faut bien que le parlementaire montre de temps en temps sa paternelle sollicitude pour les habitants de sa circonscription, et cela ne tire pas à conséquence …

Es-tu sûr de valoir mieux que ces représentants que tu vilipendes, hypocrite électeur, mon semblable, mon frère ?

 

Ayant cédé, dans un moment d’égarement, aux voix insistantes qui me priaient de mettre mes (éminentes) qualités au service du pays en présentant ma candidature et mon casier judiciaire vierge aux électeurs, mais revenu depuis lors à plus de lucidité, j’en viens à considérer que, pour moi, la pire issue de ce scrutin, serait que me revienne la mission de gouverner un peuple aussi inconséquent, versatile, contradictoire, désordonné, j’m’enfoutiste, médisant, râleur, vétillard, querelleur, mesquin, envieux, faux-cul, mal embouché, prétentieux, bêtement cocardier, routinier, borné,  ingrat…

Plutôt choisir le supplice de Sisyphe ou celui des Danaïdes !

 

Veuillez agréer, mes pas chers compatriotes, l’expression de mon inexistante considération,

 

Yann-Amar Défossan-Blanc,

Candidat du Parti de la Rude Vérité (PRV)

Quel ailleurs ?

Quel ailleurs ? Mais si ce n’est pas pour le meilleur

Alors, à quoi bon avaient-ils risqué leur vie ?

Sur des embarcations de fortune et, d’ailleurs,

Savaient-ils combien ces rafiots étaient pourris ?

 

Quel ailleurs pour ces réfugiés de la misère

Fuyant la guerre, la faim et la folie des hommes,

Abandonnés sur des radeaux en pleine mer,

Rêvant de paix, d’amour, comme Dieu en son royaume ?

 

Quel ailleurs pour ces hommes, ces femmes et ces enfants

Que rien ne destinait à devenir migrants.

Quelle paix, quel avenir et surtout quel accueil ?

 

Quel ailleurs pourront-ils un jour appelait « Home »

Combien d’années encore devront-ils errer comme

S’il leur fallait toujours buter sur cet écueil ?

 

Par BB

La Machine infernale

L’instant d’après, il se trouva happé au cœur de la machine. Tout était d’un froid glacial, l’air qu’il respirait à grand-peine, le contact des parois métalliques, le ressenti d’un froid brusque et intense qui lui fit perdre toute sensation. La douleur était anesthésiée par ce froid dur et métallique. Il crut un instant qu’il était mort. Mais il sentait son cœur qui battait comme un fou, comme s’il tentait de s’échapper de cet enfer. Au feu succéda le froid ; à la lumière, la pénombre extrême. Il ne reconnaissait plus rien, il était devenu aveugle. Ses poumons semblaient sur le point d’éclater. La douleur avait disparu, quasi instantanément, mais il sentait bien que l’air se raréfiait et qu’il lui serait difficile d’apporter à ses poumons l’oxygène qui leur permettrait de se gonfler normalement. Il avait la sensation de descendre plus encore, mais il aurait été bien incapable de dire si la machine l’entraînait vers le haut ou vers le bas. Il percevait les tintements métalliques qui lui indiquaient le mouvement de son corps sur cette surface dure et glaciale. Il aurait voulu crier à nouveau, mais l’air lui manquait désormais. Il savait bien qu’il était perdu. Il essayait de se rappeler l’enchaînement de circonstances qui l’avaient poussé jusqu’ici, en plein cœur de la machine, de ce monstre hurlant et dévorant qui allait finir de le mettre en miettes, de le réduire en charpie. Il revoyait ses amis, ses parents, il eut envie de pleurer, mais ses yeux étaient secs. Comme si l’air glacial de la machine avait asséché jusqu’à son cœur, jusqu’à son âme. Il perçut brusquement un cliquetis qui l’effraya plus encore. Il sentit le sang battre à ses tempes, preuve qu’il n’était pas tout à fait mort encore, mais ce n’était qu’une question de minutes, peut-être de secondes… Il se rappela tout ce qu’il aurait voulu dire à sa femme, tout ce qu’il n’avait pas pu ou pas su, par manque de temps, par lâcheté peut-être. Il eut envie de hurler sa colère, sa hargne que tout ne s’arrête pas là que ce n’était pas possible, qu’il était si jeune encore, que le meilleur restait à venir. Un bruit métallique, comme de la tôle froissée, lui fit retenir son souffle. Le mouvement sembla s’arrêter, mais impossible de le dire avec certitude. Un autre cliquetis et il sentit son corps repartir en arrière. Était-ce seulement possible ? Ou était-ce une illusion de son cerveau terrorisé, hagard, aux abois ? Était-il possible que la machine lui offrît la vie sauve comme ça, qu’elle le laissât repartir comme il était venu, qu’elle n’eût plus pour lui aucune considération ? Qu’elle lui permît de retrouver l’air libre, ses amis, ses parents sa femme ? Qu’elle ait changé d’avis et décidé qu’il ne  lui servait plus à rien. Qu’il ne lui révélerait rien ? Qu’il garderait à tout jamais son secret ? Un instant, il y crût vraiment. Il eut cette sensation de basculement en arrière. Il lui semblait même qu’il pouvait mieux respirer, que l’étau se desserrait, mais la trêve ne dura qu’un bref instant. Il sentit le mouvement imperceptible du chariot qui repartait en avant. Il avait perdu la notion du temps et de l’espace. Il suffoquait tellement qu’il manqua de défaillir. Un nouveau cliquetis distant et lugubre lui annonça que cette fois-ci, il ne rêvait pas : le chariot s’était arrêté. Il n’osait plus fonder d’espoir sur cette maigre information. Après tout, s’il restait coincé là, si la machine ne le dévorait pas, il n’aurait rien gagné pour autant. Personne ne viendrait le délivrer. Il finirait là comme un chien, nu comme un ver, livré à cette horrible machine et à sa soif de sang. Il n’entendait plus rien. Un instant, il crut qu’il s’était évanoui, mais non, la lumière apparut à nouveau. Elle l’aveugla bien qu’il eut les yeux fermés. Il pria tous les dieux du ciel. Il savait que c’était la fin. Il était temps de se repentir un peu, peut-être, et d’espérer le paradis. Un bruit étourdissant lui déchira les tympans, puis il entendit une voix. Au début, il crut que c’était Dieu ou Saint-Pierre ou un autre Saint… Il n’y connaissait rien après tout ! Impossible de comprendre les paroles. La voix semblait humaine pourtant, mais les battements de son cœur couvraient les paroles. Il y eut un silence, bref, lent : impossible de le dire. Puis, la voix s’exprima à nouveau. Et cette fois, il distingua clairement les paroles : « Ça va, Monsieur Berger ? Vous êtes prêt ? Nous pouvons commencer l’IRM ? »

Par BB

« J’ai toujours eu horreur de ça ! »

Ils étaient enfermés depuis plusieurs jours. Ou s’agissait-il de semaines, de mois peut-être même. Au fur et à mesure que le temps passait, il leur semblait que la guerre s’éternisait. Ils semblaient avoir perdu tout espoir. Au début, ils pensaient encore s’en sortir. Les conditions, certes, étaient horribles, mais ils avaient eu le sentiment qu’être ensemble les préservait d’un malheur encore plus grand. Jamais ils n’auraient cru qu’on pourrait en arriver là. Une séquestration forcée, des dizaines de personnes massées, entassées dans des pièces exiguës. Les odeurs étaient fortes et les conditions d’hygiène précaires. Pourtant, la nourriture n’était pas aussi mauvaise qu’ils l’ avaient imaginé. Il semblait même que les cuisiniers faisaient preuve d’une imagination débordante pour accommoder les rares denrées qu’on pouvait encore trouver dans le pays. Combien de temps allait encore durer ce calvaire ? Elle rêvait de revoir le jour, de jouer au ballon dehors avec ses amis comme elle le faisait avant le début de la guerre. Cette période lui semblait si lointaine. Avait-elle seulement jamais existé ? Il lui sembla qu’elle avait rêvé ces jours heureux, avec ses parents, ses frères et ses sœurs, dans cette grande maison. Qu’était-elle seulement devenue ? Avait-elle été bombardée ? On entendait des choses horribles. On disait que les Américains avaient bombardé Dresde, qu’ils avaient réduit en miettes des quartiers entiers, des usines, des églises… Allaient-ils être bombardés eux aussi ? Pourraient-ils s’enfuir, s’échapper avant que le ciel ne leur tombe sur la tête ? Elle entendit des sirènes dans la nuit. Elle avait peur. Elle serra son nounours très fort, ce petit ours brun que son tonton lui avait offert quand elle n’était encore qu’un bébé et qui ne l’avait jamais quittée. Elle pensa à son tonton qu’elle n’avait pas vu ces derniers temps. Les adultes avaient dit qu’il se reposait, qu’il ne fallait pas le déranger. Elle se demanda comment il pouvait dormir aussi longtemps alors que tout semblait s’écrouler autour d’eux. Elle en vint à regretter de l’avoir comme tonton. « Tu devrais être fière, lui avait dit sa mère ». « Ton tonton est une personne que tout le monde honore dans le pays. » Oui, mais en fait, ce n’était pas vraiment son tonton. Il n’y avait pas de lien de sang entre eux. C’était, tout au plus, une connaissance de son père. Elle entendit un bruit. C’était son frère qui s’était retourné dans le lit au-dessus d’elle. Les ressorts étaient tellement usés qu’ils faisaient un bruit d’enfer au moindre mouvement, même au milieu de la nuit et malgré la silhouette chétive de son frère qui ne devait pas peser bien lourd. Elle vit un rai de lumière sous la porte. Quelle heure pouvait-il être ? Était-ce encore la nuit ? Elle entendit une déflagration au loin. Voilà plusieurs jours que les bombes explosaient non loin de là. Toujours la nuit, mais parfois le jour aussi. Comment sortir vivant de cet enfer ? Elle espérait que quelqu’un viendrait les libérer bientôt. Elle était trop petite pour finir dans ce trou à rats. Elle avait encore tellement de belles choses à voir et à vivre. Et puis, elle voulait revoir sa mamie, ses amis, son école et son chien. Tout cela lui manquait terriblement. Elle entendit le cliquetis de la poignée de porte et elle vit une silhouette se faufiler dans la chambre. Un instant, elle crut que quelqu’un venait les sortir de là. Puis elle reconnut la silhouette de sa mère. Elle s’avança vers elle. Malgré l’obscurité, elle percevait sa robe rouge et elle sentait ce parfum si cher. Elle ferma les yeux. Maman ne devait pas savoir qu’elle ne dormait pas, car elle se ferait gronder. Elle sentit la chaleur du corps de sa maman chérie qui se penchait sur elle pour lui donner un baiser. C’était un baiser doux et apaisé comme elle n’en avait plus reçu depuis longtemps. Elle sentit que maman glissait quelque chose dans sa bouche, comme un médicament. Elle se dit que c’était bizarre, car elle n’avait pas mal à la tête. Elle voulut protester, mais elle n’osa pas. Lorsque Madame Goebbels ferma doucement les mâchoires de sa fille et qu’une odeur forte envahit la pièce, la petite n’eut même pas le temps de lui dire « Oh non maman, pas de médicament !Tu sais bien que j’ai toujours eu horreur de ça ! »

D’après le livre d’Emma Craigie « Dans les yeux d’Helga »

Par BB

Atelier d’écriture « Autour des arts » – 7 mai 2016 – Colmar

Pour ce 1er stage d’écriture à Colmar, 9 participants étaient présents pour écrire sur le thème « Autour des arts ». Au programme, de la sculpture avec un « autoportrait à sculpter », de la chanson avec « J’aurais voulu être… » (exercice inspiré du Blues du businessman) et enfin, du cinéma avec la scène finale du film American History X et un exercice intitulé « Eh bien, ma conclusion, c’est que… ».

Pour découvrir les textes de certains participants, suivez ce lien :

Et voici quelques photos :

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Un grand merci et bravo à tous les participants pour leur bonne humeur et leurs sourire !

Retour sur l’atelier d’écriture du 2 avril 2016 à Strasbourg

Hier samedi 2 avril, 4 participants se sont prêtés au jeu de l’écriture autour du thème « Imaginons un autre monde », au centre culturel Saint Thomas à Strasbourg.

Au programme : des anaphores sur une vie parallèle (« Moi, reine d’Angleterre.. », « Moi, Superwoman… », etc.), un extrait du journal de bord après la découverte d’une terre inconnue et des aveux émouvants ou humoristiques au conditionnel (« si tu n’existais pas » et « si j’étais de l’autre sexe »).

Une très belle journée placées sous le signe de la bonne humeur et des jeux de mots improbables… Un grand merci et un immense bravo à Calice, Lætitia, Régis et Julie !

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Retrouvez ici un extrait des textes écrits pendant cette session d’écriture :